Entre utopie futuriste et questionnement philosophique, Ombre de Métal emmène le lecteur sur un territoire scientifique en éclosion : le transhumanisme. Alors que le projet, notre élule du mois, continue de collecter des fonds sur sa page Ulule, son auteur Frédéric Sagot a accepté de nous livrer la formule pour faire une BD de science-fiction !
À la découverte du transhumanisme
Il s’agit votre première bande dessinée. Pouvez-vous nous résumer votre parcours avant la BD ?
Frédéric Sagot : J’ai toujours baigné dans le dessin ! C’est une activité que mes parents m’ont toujours poussé à continuer. Après des études d’Arts Appliqués à Sèvres, j’ai poursuivi avec une école de design et de graphisme à Orléans, qui m’a formé à mon futur métier d’illustrateur. J’exerce cette profession depuis des années, au cours desquelles j’ai entassé des carnets entiers de croquis d’illustrations et de bande dessinée !

Des ébauches qui ont donné naissance à Ombre de Métal. Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer ce projet ?
Frédéric Sagot : Ombre de Métal est un constat du monde actuel et de son rapport au transhumanisme, un mouvement scientifique et intellectuel qui prône la quête de l’immortalité et l’amélioration de l’humain par la technologie. Au départ c’était une bande dessinée que je voulais faire pour moi. Mais à force de partager mes travaux sur Internet, on m’a encouragé à la publier.

La bande dessinée est rapidement devenu un prétexte pour interroger le lecteur sur les limites du transhumanisme : jusqu’où iront les recherches autour des micro-organismes ? Est-ce qu’on pourra installer des programmes dans les cellules ? Notre cerveau sera-t-il contrôlé par des puces ? Ces questions me fascinent et m'effraient à la fois, j’ai donc voulu les mettre en scène dans Ombre de Métal.
De quelle manière comptez-vous amener ces questionnements dans le récit ?
Frédéric Sagot : Le transhumanisme est un sujet vaste qui touche plusieurs thèmes, ce qui fait sa richesse, mais aussi sa complexité, car il prête énormément à controverse. J’ai pu le constater dans mes recherches, ainsi qu’au cours de discussions avec les membres du collectif Les Transhumains Heureux dont je fais partie.
Ces échanges m’ont aidé à construire le récit de manière à installer un débat. Je fais naviguer le lecteur entre plusieurs points de vue, incarnés par différents personnages, dont Tom et Ombre, les héros du récit. Ces deux personnages représentent chacun un versant, positif et négatif, du transhumanisme. Les faire collaborer apportait plus de dynamisme au débat, que je ne voulais pas partisan. Le face-à-face des personnages permet de soulever plusieurs idées, afin de donner une vue d’ensemble sur ce phénomène encore nébuleux.
Comment avez-vous composé graphiquement ce duo, ainsi que tous les personnages hybrides ?
Frédéric Sagot : En grand fan de comics, j’ai été scotché par le personnage d’Iron Man, qui incarne parfaitement la symbiose entre la machine et l’homme. Cette idée m’a beaucoup orienté dans la conception des personnages. J’ai fait de nombreux croquis et recherches graphiques afin de les retravailler, jusqu’à tomber sur une version qui me plaise. Pour moi il est important que je me détache de mes influences, afin de dessiner plus librement et ajouter ma patte artistique !
L’art de la science-fiction à la française
Outre le comics, on voit que l’univers d’Ombre de Métal dans son ensemble est très imprégné par la science-fiction. Quelles influences ont marqué sa conception ?
En bande dessinée, je me suis beaucoup inspiré du monde d’Enki Bilal et de Jean-Claude Mézières, afin de fixer le décor futuriste du récit. Le travail de Hans Ruedi Giger dans le film Alien est aussi une de mes références majeures, ainsi que celui de chara-designers comme Ken Barthelemey [qui a notamment conçu les monstres du film Le Labyrinthe N.D.L.R.].

J’ai tendance à dessiner comme je regarde un film : avec du suspense à chaque fois que la page se tourne, avec des plans gigantesques pour donner des détails sur les paysages et les machines. Pour Ombre de Métal, je tenais à reprendre ces mécanismes du cinéma de science-fiction dans le but de mettre en alerte le lecteur, et mieux le confronter aux problématiques du transhumanisme. Je ne pense rien apporter d’innovant à la scénarisation, à part peut-être ce thème-là qui a été rarement traité en BD science-fiction.
Peu de récits de science-fiction se déroulent en France. Pourquoi avoir choisi Paris comme lieu d’action ?
C’est ma petite touche de chauvinisme ! Quand je regarde un film de super-héros, je remarque que l’action se passe toujours aux Etats-Unis ! Pour une fois j’avais envie de taper du poing et mettre en avant la science-fiction française. Et puis, dans notre pays, nous avons de d’excellents médecins, ainsi que très bons ingénieurs. Pourquoi ne pas les mettre en avant ?

Une initiative qui fait d’Ombre de Métal un projet original, quasiment financé sur Ulule. En quoi cette plateforme vous a permis de développer votre album ?
Au début j’avais regardé un peu partout, sans savoir vers quel éditeur me tourner. Puis ma femme m’a dit : « Tu as déjà plein d’amis qui veulent t’acheter la bande dessinée, pourquoi ne pas t’autofinancer sur Ulule ? ». J’ai décidé de me lancer et aujourd’hui je constate que ça marche plutôt bien !

Sur ma lancée, j’ai créé ma page Facebook et mon site Internet, afin de tenir au courant mes amis et mes lecteurs sur l’avancée du projet. De là, j’ai monté de fil en aiguille une communauté. Grâce à eux j’ai eu des retours sur mon travail, en particulier positifs. C’est gratifiant !
D’autres projets en cours, à côté ou après Ombre de Métal ?

J’attends de voir le succès de la série, qui s’étendra sur quatre volumes. Si elle marche bien, j’aimerais bien développer des séries d’anecdotes sur le modèle des comics. Le seul point du projet sur lequel j’hésite est le support : papier ou web ? Le numérique dispose d’un sacré florilège d’outils permettant d’animer les cases, y mettre des contenus interactifs.
De nouvelles façons d’inventer la bande dessinée se développent sur le web et j’espère les exploiter pour ce projet. En tout cas une chose est sûre : le récit sera toujours attaché à l’univers d'Ombre de Métal et portera toujours sur le transhumanisme ! C’est un thème qui m’inspire toujours autant et je compte l’explorer davantage dans une série de tableaux intitulée L’homme ne s’arrêtera jamais, qui sera exposée en 2017. D’autres thèmes me travaillent, en particulier l’origine de l’homme, qui fera l’objet d’une BD que je prévois de mettre prochainement sur les rails !
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